Publié le 7 Juin 2016
Les conseillers municipaux Liste « Mougins Autrement » à Mougins interviennent dans l'enquête publique sur le projet de construction d'un centre commercial aux Clausonnes de Valbonne. Ils estiment qu'un avis défavorable doit être donné à ce projet pour de multiples raisons liées à l'urbanisme commercial, à la protection de la Valmasque et sa biodiversité, à l'impact sur les déplacements, la circulation routière et les incohérence du projet avec la future ligne ferroviaire, enfin les conséquences sur les inondations avec une aggravation du risque.
La lettre adressée au Commissaire enquêteur
Paul De Coninck, Anne Manauthon
Conseillers municipaux Liste « Mougins Autrement »
908 chemin des Peyroues 06250 Mougins
à
Monsieur le Commissaire-Enquêteur
Enquête publique Ensemble immobilier et commercial ZAC des Clausonnes
Mairie de Valbonne, Service Urbanisme
1, Place de l’Hôtel de Ville 06902 VALBONNE SOPHIA ANTIPOLIS
Mougins, le 5 juin 2016
Monsieur le Commissaire-Enquêteur,
En notre qualité de conseillers municipaux de la ville de Mougins, nous avons pris connaissance du dossier de l’enquête publique concernant le projet immobilier et commercial de la ZAC des Clausonnes à Valbonne.
Nous estimons être directement concernés par ce projet qui se situe aux portes de notre commune, et qui aura donc un impact important sur la vie commerciale et la problématique des déplacements à Mougins.
● Nous avons été surpris de lire dans le dossier que, selon les promoteurs, ce projet
devrait rééquilibrer l’offre commerciale entre l’est et l’ouest du département, et de
ce fait diminuer les déplacements ! Comme si l’ouest du département était
dépourvu de commerces et de bureaux.
Le Schéma Départemental d'Urbanisme Commercial indique au contraire une saturation en surfaces commerciales dans l'ouest des Alpes Maritimes. A quelques kilomètres sont situés une multitude de commerces d’équipement de la maison et des loisirs: Carrefour (le plus grand de France !), Castorama, Leroy Merlin, Décathlon, Chullanka, Conforama, Darty, Fly, …. A moins de 10 kilomètres sont implantés le centre commercial des Tourrades à Cannes La Bocca et le centre commercial du sud de Grasse. Il va sans dire que ce projet videra encore plus les centre-ville des consommateurs, et que de ce fait le petit commerce des villes environnantes sera voué à disparaître. Ce projet va à l’encontre des lois SRU et ALUR, qui souhaitent densifier les centres existants et éviter l’étalement urbain.
En ce qui concerne les surfaces de bureaux, nous constatons que le site de Sophia Antipolis comprend une multitude de surfaces inoccupées, et qu’il est urgent de densifier cette zone afin de faciliter l’utilisation des transports collectifs.
Nous estimons en conséquence que ce projet est inutile.
- Ce projet aura un impact important sur les déplacements, qui connaissent déjà dans ce secteur de grandes difficultés aux heures de pointe.
En l'état actuel du niveau de circulation pour la desserte de Sophia Antipolis, le projet va créer une perturbation majeure sur l'axe de la D103, de la D 35 et sur l'échangeur A8. L’accès à l’est de la ville de Mougins passe par ces axes routiers, et deviendra encore plus difficile. La création du bus-tram à proximité n’aura qu’un impact très limité, puisque nous savons que la majorité des clients de ce genre de centres commerciaux à l’extérieur des centre-ville se déplace en véhicule particulier.
Le projet aggravera les problèmes de circulation dans le secteur et vers la ville de Mougins.
- Dans le domaine de la protection de l’environnement, nous avons déjà déploré des atteintes successives aux espaces naturels et boisés sur la commune de Mougins. Par ailleurs le recul régulier des espaces naturels sur le secteur de Sophia Antipolis nous inquiète fortement.
Le secteur des Clausonnes, même s'il est en partie mité par diverses constructions, représente un espace de transition entre deux milieux naturels d'une grande richesse, à l'Ouest sur Mougins avec le parc départemental de la Valmasque et les espaces naturels attenants, à l'Est sur Valbonne et Antibes avec le Parc de la Brague et les prairies humides de Valbonne en bordure de la rivière Valmasque.
Cette situation a été à l'origine de la motivation de la DREAL dans l'élaboration du SRCE (schéma régional de cohérence écologique) avec le classement de ces zones y compris les Clausonnes en réservoir de biodiversité au titre de la trame verte. Ce projet va détruire 30 000 m2 d’espaces boisés, sans aucune compensation.
Il est regrettable que le projet d'urbanisation des Clausonnes se positionne comme une coupure dans la continuité de la biodiversité et crée une nouvelle fragmentation des espaces. Par exemple, dans le domaine des insectes, sujet particulièrement négligé dans l'étude d'impact, on peut citer une espèce protégée par les lois françaises et européennes, le papillon La Diane, Zerynthia polyxena, bien présent sur l'amont et l'aval des Clausonnes en bordure de la Valmasque et du Fugueiret sur de nombreuses stations de sa plante hôte l'Aristolochia rotunda. Sa présence dans le secteur des Clausonnes est certaine ou du moins probable dans les circulations de l'espèce entre les diverses stations.
Nous citerons la présence d'espèces remarquables qui ont été découvertes où redécouvertes dans le parc de la Brague et dont l'extension vers la Valmasque est probable. Par exemple un papillon de la famille des zygènes, Zygaena hilaris ononidis,[1] considérée comme disparue depuis plus d'un demi- siècle et retrouvée récemment en aval du projet. A citer une espèce nouvelle pour la France, un Ascalaphe (insecte neuroptère) Libeloides latinus[2] découvert dans le parc de la Brague et dont l'extension vers la Valmasque est aussi très probable.
Ce ne sont pas quelques flèches vertes dessinées par un architecte sur un plan au dessus de l’axe routier qui rétabliront les corridors biologiques détruits par le projet.
- Il parait choquant de voir une surface imperméabilisée supplémentaire s'implanter alors que la vallée de la Brague vient de subir une inondation catastrophique les 3 et 4 octobre 2015 avec des dommages aux biens et des pertes de vies humaines.
Les études hydrauliques concluent à l'installation de bassins de retenue d'orage dont le dimensionnement est calculé pour faire face à l'intensité cinquantennale.
Il est évident que ces dispositions sont insuffisantes en regard des derniers événements mais aussi ne correspondent pas aux textes réglementaires et recommandations en la matière[3]. La dernière crue a montré la sensibilité du bassin de la Brague devant les épisodes pluvieux et l'insuffisance du PPRI notamment dans le choix des évènements de référence dont le niveau a été manifestement sous- estimé.
Les textes prescrivent de prendre comme évènement de référence la crue centennale ou la crue la plus intense connue. Dans le cas présent la crue du 3 octobre doit être prise en compte en l'assimilant à un phénomène de période de retour 200 ans.
Le projet devrait être revu dans ce sens.
- Le projet ne tient aucun compte de la future Ligne Nouvelle Ferroviaire ni de l'emplacement de la gare Ouest Alpes Maritimes.
Même si la DUP n'est pas intervenue tout comme son imposition dans les documents d'urbanisme, le fuseau préférentiel a été défini et approuvé par décision ministérielle.
Il se trouve que ce fuseau impacte la zone du projet immobilier et commercial y compris avec prescription de zonage préférentiel pour la Gare.
Cette course de vitesse entre un projet immobilier et une opération d'intérêt général montre une situation de conflit entre les différents décideurs élus et pouvoirs publics alors que la concertation en cours devrait présider à la recherche d'une solution.
L'approbation de l'ensemble commercial des Clausonnes mettra en difficulté les réalisations de la ligne et de la gare qui risquent pour leur réalisation de devoir aggraver l'impact sur l'environnement.
La sagesse demande de surseoir au projet immobilier pour laisser le temps à SNCF de terminer la concertation engagée et l'enquête de DUP, et ainsi aboutir à un projet global cohérent.
Les études sur le positionnement de la gare doivent prendre en compte les besoins de desserte de Sophia Antipolis sur la base d'une véritable plateforme multimodale centrée sur le réseau de desserte de Sophia Antipolis et une bonne accessibilité. Il va de soi que toute autre solution du type gare aux quartier des Bréguières à Mougins ne répondrait plus aux objectifs d'amélioration des déplacements sur Sophia Antipolis.
Dans ce cas le positionnement de la gare devra être complètement revu vers une situation centrée sur l'agglomération cannoise.
● Ajoutons que ce projet va produire 250 000 m3 de déblais excédentaires, que le
lac artificiel va consommer une quantité d’eau potable non défini, que l’effet sur la
circulation et sur l’environement de la ZAC du Fugueret à créer à proximité n’a pas
été calculé, et qu’une tour de 7 étages va dominer la forêt de manière ridicule.
Outre l’impact environnemental immédiat sur les parcs départementaux de la Brague et de la Valmasque, ce projet aura également un impact sur les déplacements et l'accessibilité de Sophia Antipolis et Mougins déjà saturée. Il est incohérent avec le projet Ligne Nouvelle Ferroviaire. Enfin du point de vue commercial il est inutile et nuisible.
En conclusion, nous estimons que ce projet doit recevoir un avis défavorable.
Nous espérons que ces observations seront prises en compte dans votre rapport et nous vous prions d’agréer, monsieur le Commissaire Enquêteur, l’expression de notre parfaite considération.
Anne Manauthon, Paul De Coninck
[1]Revue Oreina n°21 - mars 2013 p35 - Redécouverte de Zygaena hilaris ononidis Millière, 1878 dans les Alpes Maritimes
[2] Nature de Provence - Revue du CEN PACA, 2012 N°1, 123-127 - Redécouverte de deux nouvelles espèces d’ascalaphes (Neuroptera-Ascalaphidae) en France continentale
[3] Instruction du gouvernement du 31 décembre 2015 relative à la prévention des inondations et aux mesures particulières pour l'arc méditerranéen face aux évènements météorologiques extrêmes.